De la colère de la rue dans une lutte anticoloniale, c’est pas vraiment surprenant.
Pour calmer cette colère, il faut faire quelque chose, littéralement n’importe quoi, qui puisse un peu l’apaiser. Si on représente cet incident dans une perspective autre que celle du Figaro : une journaliste d’un média d’état complaisant avec Israël est agressée pendant qu’on laisse des civils se faire génocider et que la parole des activistes contre ce génocide est muselée. C’est pas cool, ça ne justifie pas l’agression, mais la perspective du Figaro ne fait que remuer la merde sur ce sujet : ça n’apporte rien de positif un article qui parle d’une “hystérisation” du débat public et prétend que c’est la première fois que ce type d’incident arrive, ça rentre dans l’agenda politico-médiatique de marginalisation de la parole pro-palestinienne (ou alors c’est la première fois qu’ils couvrent une manif anticoloniale lol). Ce type de vocabulaire et de couverture de presse est réservé aux mouvements qu’on veut discréditer.
Si on continue à refuser d’accepter de voir que la violence symbolique est une forme de violence qui peut être aussi brutale et dure à vivre que la violence physique, on continuera à faire les surpris à chaque fois que de la violence physique est utilisée par des individus qui perdent la raison en réponse à un excès de violence symbolique. Ça s’adresse aux sections commentaires de ce site aussi, dont le jugement devient très émotionnel dès qu’il y a de la violence physique, comme si les autres formes de violence autour ne méritaient pas la même réaction émotionnelle. Faut lâcher la naïveté utopique qui fait espérer des manifestations qui passent les tests de pureté idéologique en réponse à des sujets extrêmement violents dans un climat de répression violente des idéologies. Ça ne sera jamais le cas.
La couverture opportuniste de cet incident par le Figaro aide pas, c’est des rapaces qui s’en tapent de la journaliste et sont juste là pour faire tourner la machine à outrage. Ce n’est pas du journalisme, c’est du hameçonnage émotionnel.
C’est pas cool, ça ne justifie pas l’agression, mais
Il n’y a pas de “mais”. On ne menace pas la presse, on agresse pas la presse.
une journaliste d’un média d’état complaisant avec Israël
Tu vis dans quelle dimension ?
Envoyé Spécial : Les enfants brisés de Gaza - Par Elise Lucet
https://www.france.tv/france-2/envoye-special/6548780-les-enfants-brises-de-gaza.html
Envoyé Spécial : Des enfants dans l’enfer de Gaza - Par Elise Lucet
Témoignage “Avec ma femme et mon fils on s’est pris la main en se disant adieu” : un habitant de Gaza raconte “l’enfer” de la “nuit rouge”
Guerre dans la bande de Gaza : les experts de l’ONU affirment que les enfants meurent d’une “campagne de famine” menée par Israël
“Notre statut d’humanitaires n’est pas respecté” : à Gaza, des civils, mais aussi des médecins “pris pour cible de manière répétée” par l’armée israélienne
Il n’y a pas de “mais”. On ne menace pas la presse, on agresse pas la presse.
Comprendre ce n’est pas justifier.
En refusant de comprendre ce qui mène à ces agressions, on alimente la situation qui les rend possibles.
La violence symbolique autour de ce génocide est à un point où la simple existence de journalistes dans les parages de ces manifestations est vue comme une provocation par certains cas extrêmes.
Comme dit dans l’article, l’erreur était d’y aller sans service d’ordre, de penser qu’une manifestation pour la paix est de façon inhérente quelque chose de pacifique, alors que la paix en question est fondée sur des atrocités coloniales et de la déshumanisation. Ça demande d’avoir une vision incomplète de ces mouvements, de croire qu’il s’agit de gentils humanitaires alors qu’en réalité c’est une colère tellement forte qui s’exprime que certains n’ont plus peur de rien et osent tout. Pourtant les journalistes, qui les couvrent depuis des années, continuent à penser qu’ils sont du “bon côté” et qu’ils y seront bienvenus. On peut se dire qu’il y a un problème grave de leur compréhension du mouvement pour en arriver là.
Tu vis dans quelle dimension ?
Soyons sérieux, France Info est média public, donc structurellement lié à l’état. Il n’a pas une ligne éditoriale pro-israélienne, mais sa ligne reste complaisante avec les intérêts occidentaux, donc israéliens.
Oui il y a des reportages honnêtes et de bonne qualité sur Gaza, mais aussi des reportages micro-trottoirs sur l’antisémitisme et l’insécurité dans les mainfs pro-pal, de la désinformation sur les militants décoloniaux, de la complaisance avec les actes d’israël, et des choses qui vont même parfois plus loin, je peux aussi te lister des exemples dans l’autre sens si c’est ça le jeu :
Une de leurs invitées dit que les gazaouis “n’ont pas l’air génocidés”.
Utilisation répétée du terme “otages palestiniens”.
France TV répètent beaucoup la Hasbara.
Reportage représentant les gazaouis comme supporters du Hamas.
Ça en fait un média qui, même s’il fait des bonnes choses, n’est pas apprécié de certains parce qu’ils n’arrivent pas à se défaire du biais structurel fondamental qu’ils ont et qui n’arrête pas de revenir.
Parfait est l’ennemi de bien, note que je ne les ai pas accusés d’être délibérément pro israéliens, mais simplement complaisants. C’est une bonne chose qu’ils essayent de faire mieux, et en effet ils sont parmi ceux qui couvrent le mieux le sujet malgré tout. Mais ça ne les rend pas moins problématiques pour les personnes qui sont à bout et qui n’en peuvent plus de ce type de couverture “neutre” de l’info quand un génocide est en cours. La neutralité est de la complaisance.
Pour aller plus loin, il s’agit d’un média qui couvre la réalité du conflit comme il peut, mais refuse d’en couvrir les axes structurels. Il devrait y avoir une couverture plus orientée sur le rôle de la France en particulier, des livraisons d’armes, de la répression et criminalisation des manifestations et activistes pro-pal. Ils choisissent de couvrir à la marge la réalité du conflit, mais relaient en boucle les indignations sélectives du pouvoir. Ils jouent un rôle précis dans l’équilibre du discours public. Tu es libre d’être d’accord ou pas d’accord, mais tu ne peux pas changer l’opinion de ceux qui refusent de se contenter de ce niveau de couverture médiatique.
Je ne vis pas “dans une autre dimension”, je vis dans une réalité coloniale où la violence symbolique des grands médias participe à l’étouffement des voix contre un génocide en cours. Que ça dérape ensuite dans la rue, ce n’est pas défendable, mais c’est explicable. Et je préfère tenter de comprendre ce que notre société exprime par là plutôt que de juste dire “c’est mal” et fermer les yeux sur ce qui amène à ce mal.
Dresser une limite personnelle stricte à la violence physique, c’est être une proie facile pour les articles d’hameçonnage émotionnel comme celui du Figaro dont il est question ici. Les conversations d’ordre émotionnel personnel autour de la façon dont des mouvements militants débordent ont tendance à ne pas être très constructives, voir contribuent à discréditer des mouvements.
Mais fuck !